The story of COMPERE
Vivre et accompagné une personne atteinte d’une maladie rare
La vie quotidienne de la personne handicapée
Lorsque la maladie rare, qui peut être aussi un handicap, entre dans la famille, le “long fleuve tranquille” de la vie devient un “long torrent” dont on ne voit pas la fin cachée par les fleurs, les rochers et le relief.
Notre fils Jérémy présente une maladie rare dénommée “syndrome X fragile”, un handicap mental d’origine génétique et héréditaire, décrit de modéré à sévère, avec des troubles du comportement et un important retard de langage. Aujourd’hui, il est adulte (23 ans) et il travaille dans un SAJA (Service d’Accueil de Jour pour Adulte) en Belgique. Malgré ce handicap, nous savons qu’il développe des compétences nouvelles chaque jour grâce à ses vécus d’expériences personnelles et sa recherche d’autonomie.
Après un essai en intégration scolaire relativement pénible pour nous, il a fréquenté l’enseignement spécialisé de type 2 au niveau de fondamental et de la forme 2 au secondaire jusque 21 ans. Après ce fut le retour pendant un an sous le toit familial avant de pouvoir obtenir un “travail” dans un SAJA (Service d’Accueil de Jour pour Adultes) où son activité est centrée sur la fourniture de “Bois de chauffage” (coupe, fende de buches, livraison).
Si son activité professionnelle nécessite toujours un encadrement continu et des repères à tous les niveaux, notre fils évolue et prend de l’assurance dans sa façon d’être. De nombreux projets pédagogiques suivis parallèlement à sa scolarité spécialisée lui ont permis d’expérimenter les notions d’autonomie et d’autodétermination avec un encadrement allégé mais toujours présent. Néanmoins, il n’est pas aussi autonome qu’un autre adulte de son âge mais il se débrouille bien ; par contre, au niveau de l’autodétermination, il peut signifier son choix et affirmer un “oui” ou un “non”.
Sur le plan socioprofessionnel, la situation de Jérémy dans le SAJA est actuellement très satisfaisante et il y travaille à raison de 4 jours par semaine. Là, il s’épanouit grâce à sa bonne intégration dans une “équipe” de travailleurs encadrée par deux éducateurs en charge du service “Bois de chauffage”. Cette occupation, ou plutôt ce “travail”, a vraiment changé sa vie après l’école, elle lui a permis d’atteindre une confiance en lui et devenir un adulte plus autonome et déterminé.
Sur le plan social, Jérémy ne supporterait pas d’être “enfermé” dans la maison familiale et limité à des activités domestiques. Briser la solitude, développer le sens social et découvrir de nouveaux horizons, … sont des préoccupations importantes pour construire l’avenir et développer un réseau social autour de soi. Sa participation à des activités socioculturelles et ludiques avec plusieurs autres associations de personnes handicapées ou non favorise une forme de mixité sociale sujette à promouvoir son autonomie, son autodétermination et son intégration sociale. De ce côté-là, nous sommes assez satisfaits de ce qui est mis en place car cela montre une évolution rassurante bien que trop lente, rendant ainsi l’avenir encore incertain !
Sur le plan cognitif, ce fut un parcours difficile face aux troubles du comportement et du langage liés à ce syndrome X fragile qui n’ont pas permis de bénéficier d’une scolarité réellement ambitieuse.
Le parcours scolaire nous a littéralement jeté dans un monde complexe où notre fils a vécu des instants de bonheur mais aussi des situations plus difficiles. Ces dernières ont inévitablement influencé les relations familiales tant internes qu’externes. Les difficultés de Jérémy à exprimer ses émotions et son ressenti nous ont transformés en médiateurs pour surmonter les obstacles. Dans les différentes écoles, la communication et les relations enseignants/enfants/parents étaient rares et très figées avant l’application du P.I.A. (Plan Individualisé d’Apprentissages) avant 2005.
Actuellement, l’évolution semble “plafonner” même s’il développe des potentialités et qu’il acquiert plus d’autonomie. L’écriture, la lecture et le calcul resteront un voeu pieux avec peu d’espoir de les atteindre réellement. Il est nécessaire d’apprendre des stratégies pour pallier cette lacune.
Sur le plan social, des réponses adaptées aux besoins relationnels et affectifs en fonction de l’âge sont nécessaires pour prendre sa place dans la communauté.
Les activités socioculturelles ont constitué un réel laboratoire de vie pour notre fils où l’intégration tant avec des personnes handicapées qu’avec d’autres non handicapées se montrait parfois compliquées. Au gré des réussites (et des échecs), elles ont eu une influence positive sur son développement personnel en lui accordant le droit essentiel de développer ses propres relations sociales où les sentiments de bonheur, d’humanité et de méchanceté se mêlent.
Ces relations sociales font partie des préoccupations de chacun de nous. Bien que différentes, elles méritent les remerciements pour l’accompagnement association et professionnel procuré dans ces activités socioculturelles, parfois adaptée, en lien avec les besoins et les capacités de notre fils.
Au quotidien, la vie tourne au rythme de Jérémy comme c’est avec les jeunes adolescents sans handicap dans la maison familiale. Certes, les soucis ne sont pas les mêmes ! En effet, avec sa taille d’adulte et son allure de jeune adolescent gentil, agréable et parfois surprenant par sa spontanéité et son côté parfois naïf. La gestion des émotions reste un souci majeur face aux troubles du comportement dans les situations d’imprévus même si ceux-ci sont en nette diminution par rapport à la période de l’enfance. A côté de ces côtés difficiles, nous sommes heureux de le voir rayonnant et de le savoir heureux dans sa vie d’adulte mais ce bonheur durera-t-il après nous ?
Et voilà, la question “Après nous, les parents” revient au centre des préoccupations avouées !
Jérémy est un brave garçon, serviable et de bonne humeur mais le long fleuve tranquille de la vie peut “s’emballer” pour nous rappeler le handicap présent. Être heureux, se sentir libre et se déplacer est “bon” pour lui mais les remarques désobligeantes de certains sont parfois présentes et certaines réflexions peuvent devenir un problème si nous ne les temporisons pas afin d’éviter des répercussions malheureuses.
Nous avons tant voulu son autonomie et son autodétermination que demain se posera la question de la possibilité de bénéficier de liberté de résidence, liberté d’activités, liberté de participer à des groupes, liberté de continuer sa vie avec tous les efforts consentis pour lui apporter une autonomie et une liberté de paroles … ?
“Penser à soi” : une belle phrase, pour certains pleine d’égoïsme, pour d’autres pleine de bon sens … mais dans tous les cas, à méditer.
L’activité socioprofessionnelle permet une forme d’épanouissement car “Travailler” n’est pas une question de revenus mais un aboutissement du développement personnel avec ses valeurs humaines, comme l’estime de soi. Le “travail” en SAJA s’est révélé indispensable pour l’équilibre de notre fils. C’est une alternative intéressante au travail rémunéré où il bénéfice d’un encadrement permanent. Sans cette activité socioprofessionnelle, il serait probablement sujet à problèmes comportementaux engendrés par un manque de structuration du temps, une absence d’objectifs concrets et de relations sociales qui déboucheraient sur une médication dommageable à sa qualité de vie. De plus, son travail est utile pour la société et très bénéfique pour son bien-être et son état de santé général.
Un grand psychologue disait “L’enfer, ce sont les autres …” : une petite phrase résumant à elle seule l’ambigüité d’être un adulte avec un handicap mental et d’être autonome (même s’il y a des limites). La société évolue et la personne handicapée prend peu à peu sa place mais est-ce la réalité pour toutes (différentes des autres mais aussi entre elles) ? Le grand public applaudit chaleureusement les réussites mais sa réaction est diamétralement différente dans les situations d’échecs où les conséquences sont souvent décrites comme découlant d’une faute avec une désignation subjective de coupables et des affirmations d’initiatives malencontreuses.
Le handicap mental, même s’il est clairement identifié par une analyse ADN, il fait malheureusement toujours “peur” et les troubles du comportement liés au syndrome X fragile dérangent même si des stratégies existent pour les éviter ou diminuer leur incidence. Le handicap ne devrait plus être un problème actuellement grâce aux actions comme “CAP48” et d’autres acteurs sociaux … Néanmoins, le fait d’une plus grande autonomie montre un comportement différent qui peut parfois être dérangeant et rendre difficile d’expliquer le besoin de tolérance si c’est le fait unique d’un jour ?
Vivre au quotidien, c’est aussi vivre l’instant présent mais avec la crainte du futur !
Au fait, quel est-il ce futur ?
C’est la résidence effective : SRA (Service Résidentiel pour Adultes) ou une autre forme d’autonomie résidentielle qui est au centre de nos réflexions actuelles …
C’est l’activité professionnelle ou socioprofessionnelle : en SAJA (garantie d’emploi ?) où la priorité de notre fils est le besoin d’un encadrement social et d’un cadre de travail structuré qui tiennent compte des spécificités de son comportement, gentil mais parfois déroutant.
Toutefois, ce statut est vital, il fait partie de ses besoins sociaux et humains indispensables à une bonne qualité de vie qui se concrétisent dans ce cadre de travail sans l’obligation de rendement ou de bénéfices mais plutôt de la recherche du bien-être et de l’épanouissement personnel dans la valorisation sociale de son “job”.
Si les mages peuvent voir le futur, pour les parents, c’est plus compliqué ! Nous espérons prévoir et envisager les mesures à prendre pour instaurer une stabilité dans sa vie. Nous savons que celle-ci ne se décrète pas, ne s’impose pas et qu’elle devrait être le fruit d’une volonté manifestée par un membre de la famille ou par une tierce personne. Beaucoup de questions et peu de réponses !
L’insertion socioprofessionnelle n’envoie pas en retraite les parents mais elle les encourage à accorder plus d’autonomie même si elle n’est pas encore acquise et que bien des choses restent à gérer. Au quotidien, nous ne devons plus habiller notre fils le matin mais bien superviser son style vestimentaire pour qu’il reste en conformité avec les conditions climatiques ou la destination du jour.
L’autonomie personnelle a beaucoup évolué et se renforce par une guidance qui peut être simplement verbale. La structuration du temps offre un certain confort dans le déroulement de la semaine.
L’autodétermination ne signifie pas un abandon de la responsabilité parentale mais la prise d’une orientation vers une forme de partenariat où l’anticipation des évènements contribue à plus de liberté et peut suggérer des alternatives intéressantes aux consignes.
Au quotidien, la nécessité de la présence permanente d’une personne de confiance (éducateur, parent, soeur, …) domine nos préoccupations parentales et limite notre liberté d’action. En période de congés, rien n’a changé pour notre fils, ni la fréquence des activités, ni le besoin de bouger (faire des courses, se promener, visiter, participer à des activités socioculturelles …). Ses congés ne sont pas les nôtres car nous aspirons à plus de calme et c’est là que définir son avenir sur le plan social est un vrai challenge comme celui d’exercer son statut de Citoyen.
Jean-Marc COMPERE
asbl X fragile – Europe
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